Ecoutez, Petits… Auvetz, Drollets…
Pourquoi ce disque ?
Avec ce disque, nous n’avons aucune prétention.
Mais, amoureux avant toute chose de la chanson, de la musique, des traditions et des coutumes de notre Limousin, très respectueux envers nos anciens, nous avons voulu leur faire plaisir.
Nous rendons hommage à tous ceux qui ont eu la gentillesse de nous aider dans ce collectage entrepris voilà déjà de nombreuses années afin de conserver et sauver ce qui pouvait encore l’être.
J’ai tenu à ce que trois générations participent à cet enregistrement. Si nous voulons que se perpétuent nos traditions, nous devons apprendre à nos jeunes ce que nous ont légué nos anciens.
De façon simple, à la mesure de nos modestes moyens, mais avec tout notre cœur, nous avons essayé d’interpréter cette musique le plus fidèlement possible. Nous avons utilisé pour cela des instruments traditionnels : le violon, la vielle à roue, la chabrette limousine à bouche, la chabrette à soufflet (musette ou cabrette), l’accordéon diatonique.
Nous espérons que vous partagerez le plaisir que nous avons eu à réaliser cet enregistrement.
Yves LEBAS
Les chansons
Les chansons que l’on interprète dans toutes les provinces de France peuvent se ramener à un nombre assez réduit et de types différents, soit par le sens des couplets, soit par leur destination, soit par leur caractère ou leur musique. Mais il y a d’innombrables variantes. Ces variantes sont précisément ce qui caractérise chaque province.
L’appellation communément usitée de chansons Limousines, Auvergnates, Provençales, etc. ne doit jamais être comprise comme une indication d’origine, mais seulement comme signifiant le lieu de récolte.
Si nous étudions les chants du Limousin, nous remarquons aussitôt que, s’ils ont toujours la naïveté, la simplicité et le naturel des productions populaires, ils sont cependant mieux composés et plus complets de sens. Paroles et musique sont d’une facture plus fine, plus achevée par le sentiment et l’expression. La cause est très ancienne.
Du VIe au Xe siècle, le Limousin vit une floraison d’abbayes. Celles-ci ne furent pas seulement d’intenses foyers de vie spirituelle, mais aussi des écoles où se donnait un enseignement très complet dans lequel l’art tenait une grande place ainsi que la musique théorique et pratique. Cette influence fut profonde. Elle provoqua le développement et l’affinement de l’intelligence et du goût chez les populations ; elle éveilla leur sens de l’art et de la poésie.
Nous pouvons classer l’Histoire de la Chanson en trois périodes :
– Le Roman, du IVe au XIe siècle
– Le Gothique, du XIIe au XVIIe siècle
– La Musique Moderne, du XVIIe siècle à nos jours
Ces chanteurs, poètes, musiciens s’appelaient les « Troubadours ». Ils composaient « moissonneuses », chansons de gestes, pastourelles, chansons d’amour ou grivoises, jeux parties. Les plus célèbres furent Limousins : Bernart de Ventadour, Eble, Ellias, Guy et Pierre d’Ussel, Arnault de Mareuil, Marie de Ventadour, Gaucelm Faydit d’Uzerche, Bertrand de Born.
Les instruments traditionnels
Le violon :
Ces musiciens routiniers qui jouaient de cet instrument n’étaient pas des violonistes, mais des « violoneux ». Dans la région de Brive, au siècle dernier, on se rappelle surtout, nous confiait Gaston CESSAC, du « Grand sans façon » : M. Bretagnole, de Pommier de Voutezac. Il avait conduit et animé plus de 700 noces ! Ensuite, il y eut les Solomagne, de Voutezac, dont Eugène, dit « Nicolet », mort en 1979. Rien que dans la région des Monédières, on dénombre, en un siècle, plus de 200 violoneux, dont Jean Ségurel. Gaston Cessac est le dernier de cette grande lignée de violoneux.
La chabrette limousine ou « chabreta » :
Cet instrument à bouche avait presque disparu. Heureusement, grâce aux recherches d’Eric Montbel et des Ménétriers du Centre et du Massif-Central, ce bel instrument a retrouvé ses lettres de noblesse. Eric Montbel nous dit :
« Je désigne cette cornemuse sous le nom de « chabrette » ou « chabreta » afin de l’opposer à la musette ou « Parisienne », ainsi que l’on nomme parfois en Limousin les cornemuses modernes ».
La chabrette est gonflée à la bouche. Elle porte un hautbois et deux bourdons : hautbois et petit bourdon sont réunis dans la même boîte appelée « impenha », (empeigne) qui est recouverte d’un ou plusieurs miroirs (lo glaço). Ces miroirs sont-ils placés au fond de la chabrette par superstition ou jouent-ils un rôle contre les sorts ? Les ostensoirs nous renvoient leur « lumière mystique ».
La peau (la pétaïrola) est souvent nue, parfois recouverte de velours. Elle est gonflée à la bouche au moyen d’un porte-vent.
La vielle à roue :
Michèle Fromenteau nous dit :
« L’origine de la vielle est fort obscure et très ancienne. Les traces les plus lointaines semblent provenir d’Asie. On lui donne des noms très divers et sous les vocables « vièle » ou « vielle », les auteurs du Moyen-Age désignent souvent deux types d’instruments très différents : la vielle à archet, ancêtre du violon et la vielle à roue.
Sous une autre forme que nous connaissons, la vielle existait déjà au IXe siècle : un psautier carolingien de cette époque montre un instrument nécessitant deux joueurs : l’un tournant la roue, l’autre appuyant sur les touches. Il s’agissait de l’organistrum qui figure sur le chapiteau du XIIe siècle de l’église de Boscherville, en Normandie. On retrouve une sculpture similaire sur le portail de St-Jacques-de-Compostelle. »
Cet instrument encombrant à 3 cordes et 8 touches fut réduit et prit les noms de « symphonia », « chiffonie », puis enfin « vielle », Au XIIIe siècle, la vielle est un instrument en vogue. Trouvères et troubadours la font entendre à la cour d’Henri III et à celle du Duc de Brabant ou encore de Philippe le Hardi. Parmi eux, les célèbres poètes-musiciens Adam de la Halle, Colin Mousset, Ardenet-Jonyglet, etc.
Au XIV siècle, la vielle est jouée par les aveugles et les mendiants. Elle commence à être discréditée. Mathieu de Gournay parle d’instrument « truant » ! Au siècle suivant, elle est peu estimée et tombe dans l’oubli.
Sous Henri III, les joueurs de vielle font un effort pour la replacer au rang d’instrument noble. Le roi lui-même en joue avec un certain talent.
L’accordéon :
Inventé, semble-t-il par Damian à Vienne en 1829 ou Buschmann, perfectionné en France en 1837 par Buffet, utilisé à la Cour en 1870, l’accordéon devint rapidement un instrument populaire en Europe.
Soprani en Italie, Hohner en Allemagne puis Dedenis (à Brive-la-Gaillarde) en 1887 contribuèrent à sa popularité. Le berceau de l’accordéon en France est certainement la ville de Brive où François Dedenis, entre les Deux Guerres, a fait pratiquement éliminer les accordéons italiens et allemands. Ouvrier ébéniste, ce musicien fabriqua son premier accordéon en 1885. Ce fut un succès. Les ventes augmentant rapidement, François Dedenis créa un atelier, puis une petite usine rue Parmentier à Brive en 1913, enfin une véritable manufacture rue Jean-Fieyre qui produisit jusqu’à la Guerre 1939-1945. On pouvait même commander des accordéons Dedenis dans le catalogue « ManuFrance » !
J’ai retrouvé de nombreux « Dedenis » dans nos campagnes corréziennes. Les accordéons diatoniques étaient très nombreux dans les environs de Brive. Il en reste encore quelques-uns : M. Albert Buffière à la Chapelle de Varetz, M. Verlhac à la Chèze de Mansac, M. Lejeune à Yssandon, M. et Mme Laval à St-Germain-les-Vergnes en possèdent un.
J’ai pensé, depuis dix ans, redonner vie à cet instrument, encouragé en cela et conseillé par M. Marcel Piaud, ancien accordéoniste qui, avec « l’Association des Ménétriers du Centre », présidée par M. Hubert Marcheix, ont provoqué les premiers stages de musique traditionnelle relayés en Corrèze par la Fédération des Œuvres Laïques et les Musiciens Routiniers.
L’accordéon diatonique a ceci de particulier que chaque touche donne une note différente suivant que l’on tire ou pousse le soufflet.
Les avantages du diatonique : beaucoup de musique dans un faible volume. Les inconvénients : la gymnastique du soufflet qui donne un style haché et haletant dans les morceaux à cadence rapide.
Il est certain que l’invention de l’accordéon chromatique, instrument étendu et complet, a permis l’essor considérable et justifié de l’accordéon.
En 1919, MM. Jean, Antoine et Robert Maugein créent à Tulle, toujours en Corrèze, une fabrique d’accordéons « Maugein Frères » qui fabrique des instruments très perfectionnés. Dès la fin des années vingt, les accordéons Maugein acquirent une renommée internationale. Depuis 1981, sous l’impulsion de M. René Lachèze, apparenté à la famille Maugein, cette manufacture, qui produit des instruments de haute qualité, est devenue l’une des plus importantes et elle est à 100 % Française. En 1984, une nouvelle usine Maugein produira aux portes de Tulle un nombre encore accru d’accordéons de toutes catégories.
Mais notre culture populaire, notre musique traditionnelle, qui cherche dans le passé ses racines, la source du développement actuel, se devait de remettre à l’honneur cet ancêtre si vite oublié. Les « Pastoureaux » utilisent diatoniques et chromatiques. Dix joueurs ou élèves assureront la relève. Laurent Desingue s’occupe des diatoniques et notre ami Michel Delage, professeur d’accordéon à Terrasson (Dordogne) donne des cours, ô combien bénéfiques, aux chromatiques !
Yves LEBAS
Face A :
La Velhada (La Veillée) :
C’était, autrefois, la rencontre entre parents, voisins où amis, Que de belles soirées se passaient dans la petite cuisine près du cantou ! Que de belles heures s’égrenaient où, tous ensemble, les paysans de chez nous prenaient le temps de vivre, de s’aider, de parler, de chanter et de danser !
La Marche de Micalet :
Gaston Cessac, cultivateur et violoneux à ses heures de loisir. Né le 4 octobre 1906. Il a joué avec les célèbres violoneux qu’étaient les Solomagne, de Voutezac. Il conserve avec beaucoup d’amour le célèbre vin de Vertougie. Il joue une marche de noce en hommage à cet ami disparu, le violoneux Eugène Solomagne, dit « Micalet ».
Lou Merle (Le Merle) :
Victor Sclafert, tailleur de pierre, né le 28 juillet 1905, est sans doute l’un des derniers maçons à avoir bâti des fours de campagne. Il chante « Lou Merle », vieille chanson qui est en quelque sorte peut-être l’ancêtre de « l’Alouette », et cela, depuis l’année 1938.
Boreïa (Bourrée) :
Cultivateur, accordéoniste, danseur dynamique, Albert Buffière, né le 23 Décembre 1903 est, à 80 ans, toujours prêt à apprendre de vieux airs. Il anime toujours des noces et des réunions du troisième âge. Il est originaire de Transac commune d’Yssandon (Corrèze) et vit avec ses enfants à la Chapelle de Varetz ou à Juillac.
Légende de Saint-Viance :
Il s’agit de la célèbre légende du fer à cheval porte-bonheur, telle qu’on la racontait à Saint-Viance, joli bourg des environs de Brive, sur la Vézère.
Les châtaignes du Limousin :
Un chant traditionnel vantant le fruit du châtaignier, si répandu en Limousin et qui était un peu, autrefois, la base de la nourriture dans nos campagnes.
Le regret de Lisou :
Air plaintif que jouaient autrefois les gardiens des troupeaux sur leur chabrette. Cet air est aussi connu en Auvergne qu’en Limousin.
Dins la ribiera de Lissac :
Edmond Rostand disait :
« Ces vieux airs du Pays au doux rythme obsesseur
Dans lesquels restent pris des sons de voix aimées,
Ces airs dont la lenteur est celle des fumées
Que le hameau natal exhale de ses toits,
Ces airs dont la musique a l’air d’être un patois. »
Le pays :
Cette magnifique poésie a été écrite par Auguste Lestourgie, ancien maire d’Argentat au siècle dernier.
Face B :
Suite de marches :
Je suis lasse d’être fille
Belle Rose
D’où viens-tu, Bergère ?
Complainte d’une jeune fille à marier, Marche de cortège de noce et chant de Noël Limousin.
Deriteto (La Deritetou) :
Mélange de polka et de valse comme les Limousins aimaient les danser autrefois.
Scottish au Piarrou (Scotlish-valse) :
Mélange, cette fois de scottish et de valse. Très populaire dans tout le Massif-Central.
La Parisienne :
En remerciant une fois encore un vieux musicien routinier, excellent accordéoniste : Edgar Bouchet, dit « Quinet », de nous avoir appris cette bourrée. Son père était déjà accordéoniste. Il est originaire de Juillac.
Gimbarda (Guimbarde) :
C’est une danse de la Saint-Jean qui était interprétée par les vachers et les ardoisiers de Travassac.
La Chaumeilloise :
Cette mazurka était jouée par les violoneux des Monédières, en particulier ceux de Chaumeil. Le célèbre Jean Ségurel était de ceux-là et il recueillit ce morceau qu’il popularisa.
Sautière de Villac :
Danse très enlevée, particulièrement populaire dans la région de Juillac en Basse-Corrèze, Lubersac, Villac et dans le Nord de la Dordogne.
Dans un pré comme dans un bois :
Cette scottish est particulièrement populaire dans le Bas-Limousin.
La fille de la meunière :
C’est la traditionnelle Gigue, fort populaire dans tout le Massif-Central et même dans d’autres provinces de France.
Ne dansez pas tant, jeunes filles volages :
Cette scottish nous a été chantée par M. Chabrillanges, du Lonzac (Corrèze), qui avait à son répertoire d’autres nombreuses et belles chansons.
Boreïa de las botelhas (La Bourrée des Bouteilles) :
Bourrée relativement récente qui fut et est encore interprétée par nos amis des « Pastourelles du Bas-Limousin », société sympathiquement connue à Brive-la-Gaillarde. Elle fut composée en 1950 par René Lafeuille, alors accordéoniste dans ce groupe folklorique, petit-fils de cultivateurs de Perpezac-le-Noir, né à Lagraulière en 1931.
Cette bourrée n’est donc pas traditionnelle mais a été écrite dans un style rapide et syncopé à l’image des autres bourrées de notre région.