Chez Maximin – Violons du bocage n°2

Chez Maximin,
« Violons du Bocage » n°2

Maximin Rambault

Vinyle 33T

ARCUP / UPCP / La Geste Paysanne Collection

UPCOOP – GESTE PAYSANNE – n° 20

1980


Maximin Rambault…

Le mégot au coin des lèvres, le violon coincé par un menton nerveux, l’archet menant un rythme infernal. Qui peut l’imaginer autrement ? Tant il est vrai que Maximin, fils de violoneux, s’est totalement identifié dans notre esprit à l’image du musicien de noces, bien qu’il ait été barbier et coiffeur…

Combien a-t-il fait de noces ? Mille, deux mille, trois mille ? Il ne le sait lui-même ! Mais, que diable, il fallait de l’autorité pour mener tous ces noceurs ! Et on donnait un coup d’archet sur la tête de l’un, un coup de gueule à la tête de l’autre, et ça repartait. « Et en place pour le quadrille à Jean Rambault des Essarts, cré bon sang ! » Le violon ronfle, les doigts virevoltent d’une corde à l’autre. C’est qu’ils sont restés d’une agilité fantastique, ces doigts : peut-être à force de manier le ciseau, ou… de rouler les cigarettes ? Plus sûrement grâce aux heures et aux heures de jeu, seul à faire danser des centaines de personnes.

Qui oserait prétendre, après avoir entendu Maximin, que le violon traditionnel est facile ?

Ce disque est le second d’une série consacrée aux musiciens traditionnels encore vivants en Bocage, qui se trouvent être pour la plupart joueurs de violon. Avec ces témoins précieux, dernier maillon d’une chaîne millénaire, va s’éteindre une culture musicale que les institutions officielles ont toujours niée, sinon méprisée. Il n’est que temps d’en entreprendre, partout où cela est possible, la recherche méthodique. Ces voix millénaires étaient l’héritage de siècles d’art populaire. la richesse d’une nation, autant que celles de Molière ou de Berlioz. Dans quelques années, probablement pensera-t-on que les avoir laissées dans le silence fut un des plus grands crimes de notre Civilisation.

Maximin Rambault

Maximin Rambault est né le 4 juin 1911 aux Essarts (Vendée) de Jean Rambault, originaire de la « Basse Grange » des Essarts, né en 1879, et de Léontine Seiller, née à l’Oie, en 1888. Le père Jean, après avoir travaillé à la ferme jusqu’au régiment, s’installera ensuite coiffeur aux Essarts. La famille comptera 11 enfants. Maximin apprendra le métier de coiffeur avec son père. Il se marie en 1934 et s’installe à Bournezeau, commune natale de sa femme, coiffeuse également. En 1958, le couple s’installe à Pouzauges, où il demeure à présent.

A 9 ans, Maximin se verra offrir son premier violon. Ce sera l’apprentissage avec son père, violoneux routinier, qui avait appris à jouer sur un « violon-sabot » qu’il s’était fabriqué lui-même. Tout en gardant les vaches chez son grand-père, Maximin s’entraîne pendant les vacances.

Musiciens de noces, ils sont très demandés dans la région des Essarts. Ils forment même un petit orchestre : le frère cadet joue des percussions (triangle, cymbale, bois, caisse claire) et le père Jean se met à l’accordéon diatonique ; Maximin joue du violon en donnant le rythme sur une grosse caisse. Quelquefois, lorsque le frère est absent, Maximin fait toutes les percussions avec son « jazz », comme il l’a baptisé : un système de 4 pédales, reliées chacune aux différents accessoires. Le « trio » donne aussi quelques bals dans le pays.

Après son mariage, il continue bien sûr les noces ; son épouse coiffe les mariés et les invités ; le couple fait donc intégralement partie de la noce. Ils se déplacent à bicyclette, ou bien on vient les chercher en voiture à cheval. Maximin en profite alors pour y mettre tout son « jazz » et ses violons.

Bien souvent, on venait chercher la coiffeuse la veille, car elle devait coucher avec la mariée et la coiffer à la chandelle, au petit matin… avant tous les invités ! Bien sûr, quand on a animé deux ou trois mille noces comme Maximin, les anecdotes ne manquent pas. Mais elles ne sont pas toutes « racontables » !

Ecoutons-le jouer et évoquer quelques-uns de ses souvenirs.

Face A

  1. Mazurka « Marguerite ». Air connu de nombreux musiciens traditionnels. Ce premier air nous donne un aperçu du style très particulier de Maximin : il « enroule » les cordes avec son archet, fait quelques accords, ce qui donne un accent très « bourdonnant ». Le violon « ronfle » : nécessité d’un temps où il n’y avait pas de sonorisation ! Le rythme, la « cadence » est nettement marquée, presque nerveusement accentuée : le musicien est avant tout un meneur de danse ; il fallait « relever le pas » des danseurs. De plus, Maximin enjolive toutes ses mélodies par des trilles et des retours constants sur les cordes graves (souvenir du style de la cornemuse ?). Ce qui est assez extraordinaire dans ce style de jeu, c’est l’alliance d’un rythme très dansant à une richesse mélodique impressionnante. Selon Maximin, son père faisait encore davantage « bourdonner » les cordes.
    (Accompagnement de deux autres violons).
  2. Avant deux. « A sont dans l’tet, les pirotes, les pirotes. A sont dans net, les pirotes à memé »
    Comme partout dans le Bocage Vendéen, les avant-deux constituent le répertoire le plus ancien. Mais Maximin, originaire des Essarts, donc de la frange du Bocage, ne les a jamais beaucoup fait danser. Ici, il joue une variante d’un air très connu (Cf. « Chez Paul » Violons du Bocage n° 1). Parfois l’archet enroule plusieurs notes dans le même coup (1er thème), parfois il redonne une impulsion très nette (caractéristique du style de Maximin) (2e thème).
  3. Maraîchines. Maximin a appris les maraîchines alors qu’il avait une dizaine d’années, et qu’il devait participer à un défilé de chars aux Essarts, Il aura l’occasion de les rejouer pour une noce qu’il mènera à St-Jean de Monts. Ces airs sont parmi les plus connus.
  4. Scottish des Essarts. Une mélodie très dansante, qu’il tient, évidemment de son père. A noter l’utilisation d’un « démanché » amené par un glissé, très rare chez un musicien traditionnel. Cette spécialité, Maximin la tient de son père, qui, ayant perdu un doigt, ainsi qu’il l’explique, avait dû refaire un jeu à base de démanchés.
  5. Scottish St-Antoine. Ici, le glissé amène un beau vibrato. Cette mélodie, très connue en Vendée, est transformée par les enjolivements apportés par Maximin (surtout sur le 2e thème).
  6. Scottish à 7 pas. Autre mélodie très connue. Mais quel rythme !
  7. Valse. Mélodie probablement écrite, que nous avons voulu conserver pour montrer une autre palette du style de Maximin.
    Bourrée. Le père de Maximin avait appris cet air pour le jouer aux noces d’un Auvergnat qui s’était marié avec une fille des Essarts.
  8. Badoise. (ou Polka des Bébés). Danse très répandue il y a une centaine d’années.
  9. Scottish au violon-jazz. Le violon-jazz est un instrument curieux constitué d’un manche de violon sur lequel on a adapté un pavillon style « phonographe ». Cet instrument fut à la mode dans les années 1930, il permettait au musicien de se faire mieux entendre dans les bals.
  10. Mazurka au violon-jazz. L’instrument donne un cachet particulier !
  11. Le pas d’été. Voilà véritablement le morceau de Roi du Violoneux ! Rythme, rapidité, brio d’exécution, richesse mélodique, enjolivements… difficiles à suivre ! Essayez un peu !
  12. Polka à Maximin. Mélodie très dansante. (Accompagnement d’un violon et d’un accordéon).

Face B

  1. Marche de la mariée. Pour accompagner la mariée, que l’on suivait à pied, en cortège, ainsi que le raconte Maximin, le musicien devait jouer ces airs lents, adaptés au rythme des pas, qu’il baptisait « marches de la mariée ». C’était en fait la plupart du temps soit des airs très anciens de branles, ou des airs de chansons, ou, comme ici des « Avant-quatre » ralentis. Dans le quadrille, Maximin jouera une autre mélodie d’Avant-quatre au rythme normal.
  2. Mazurka. Le premier thème ressemble à un air connu. Noter le changement de tonalité du 2e thème.
  3. Autre marche. Toujours un air d’avant-quatre lent.
    Accompagnement de deux violons.
  4. Chanson à la mariée. « Permettez jeune épouse…»
    Les paroles furent diffusées dans tous les almanachs vendéens. Maximin, d’abord musicien de danses, s’est mis à aimer jouer ces airs langoureux, où l’on pouvait faire « pleurer » le violon.
  5. Polka. « Tes beaux jours sont passés, Belle rose du rosier »
    Vieille rigourdaine, constamment remise au goût du jour, qui fut branle, avant-deux, contredanse, ou comme ici, polka.
  6. Quadrille des Essarts. Le quadrille rassemble plusieurs figures de contredanses mises bout à bout, certaines sur des mélodies très anciennes (telles ici, celles de la pastourelle, du galop — qui ressemble à un pas d’été — ou du moulinet). Ce quadrille de 6 figures est un des plus « parfaits », que nous ayons vu danser (il est fixé sur la pellicule grâce à la télévision québécoise qui vint réaliser en 1978 un film sur les origines de la musique du Québec — Réf. « Le son des vieux pays II On pense qu’il faut continuer », par A. Gladu et M. Brault, copie disponible à l’ARCUP).
    – Avant-quatre
    – Chaîne anglaise
    – Pastourelle
    – Poule
    – Galop
    – Moulinet
    (Voir explication de la danse page suivante)
  7. Scottish « Le lézard ». Variante d’un air bien connu.
  8. Trompeuse.
    « Allez-vous en, les gens d’la noce
    Allez-vous en tretous chez vous
    Non, non, j’m’irai pas sans fair’marcher ma cornemuse
    Non, non, j’m’irai pas sans fair’marcher men’chalumea »
    Danse de fin de noce, sous forme d’avant-quatre. Le musicien stoppait brusquement : les danseurs devaient se figer. Si l’un d’entre eux continuait son mouvement, il était à l’amende il devait boire un coup. C’est ainsi que le musicien, souvent fatigué en fin de noces, « achevait » les infatigables !
  9. Avant-deux. Mélodie archaïque, très bourdonnante.
    C’est pourquoi nous avons choisi de l’accompagner au mandole.

Le quadrille des Essarts

Il se danse à 8 (4 couples). Les couples forment deux lignes face à face.

  1. Avant-quatre. Les couples avancent l’un vers l’autre en 4 pas marchés, reculent en 4 pas, puis traversent en 8 pas. Puis ils recommencent de même pour revenir à leur place. « Balancer » : chaque couple, en position de « danse moderne », tourne sur lui-même, en faisant pivot sur un pied.
  2. Chaîne anglaise. Les femmes croisent, puis les hommes (en 8 pas) — Retour en 8 pas. Balancer… Chaîne des dames : les dames croisent en 8 pas. L’autre cavalier leur fait faire un tour (voir photo de gauche) et elles reviennent en 8 pas. Galop : dans la position montrée sur la photo (le bras gauche de la femme sur le cou du cavalier), les couples traversent et reviennent à leur place en pas de « galop » (16 pas).
  3. Pastourelle. Les couples du côté du violon avancent en 8 pas (main droite dans main droite), reculent (4 pas) et avancent de nouveau (4 pas). Il fait tourner les deux dames sous ses bras. Avec l’autre cavalier, on forme ainsi une chaîne qui avance (8 pas) recule (4 pas) et avance de nouveau (4 pas). Les hommes font tourner les dames sous leurs bras en sens inverse. A 8 avec les 7 autres couples, on forme ainsi un rond qui tourne dans un sens (8 pas) puis dans l’autre (à la commande : chaounez ! 8 pas) — Balancer (16 temps). On recommence en débutant par les autres couples.
  4. Poule. Les hommes du côté du violon et les femmes d’en face avancent l’un vers l’autre (4 pas), tournent, main droite dans main droite (8 pas marchés), retournent (4 pas).
    Puis, avec l’homme et la femme restés sur les côtés, ils forment une chaîne qui avance (4 pas), recule (4 pas) et avance puis l’on croise : en 4 pas, un couple passe sous les bras de l’autre.
    Balancer : seul le 1er couple balance au milieu. Rassemblez : chaque homme récupère sa cavalière.
    Rassemblez (4 pas) — Reculez (4 pas). Puis de l’autre côté (8 pas) et balancez (10 pas).
    On recommence en débutant par le femme du côté du violon et l’homme d’en face.
  5. Galop. En position de « danse moderne », les couples traversent (8 pas de galop) et reviennent (8 pas). Balancez (16 pas).
    Chaîne des dames : les dames croisent à 4 (avec décalage dans les départs). Galop croisé : cette fois, le couple croise avec celui qui se trouve à l’autre coin (décalage dans les départs).
    Balancez.
  6. Moulinet. On danse d’abord une avant-quatre. Avancez (4 pas). Reculez (4 pas). Traversez (8 pas). Ceci 2 fois.
    Moulinet des hommes (voir photo pour la position) : les hommes tournent en moulin (16 pas). Changez de sens, prenez les cavalières. Rassemblez : à bras dessus, bras dessous, on avance l’un vers l’autre (4 pas) recule (4 pas) avance (4 pas) et recule (4 pas). On recommence en faisant le moulinet des dames.

ARCUP

Animation Rurale et Culture Populaire en Bocage, membre de l’UPCP, s’est donné pour but de sauver et de promouvoir tout ce qui a constitué la vie culturelle d’une région aujourd’hui condamnée à imiter les produits d’une Civilisation américanisée étouffant toute Culture Populaire. Que ce disque, second d’une série consacrée aux vieux musiciens du Bocage, soit un hommage rendu à un grand musicien routinier avec qui nous avons découvert la richesse d’une musique trop souvent oubliée et qu’il soit remercié d’avoir voulu mettre son art à notre disposition.

Renseignements :
Jany ROUGER, La Falourdière – St Jouin de Milly 79380 La Forêt sur Sèvre – Tél 80 88.93
Gyslaine LANDRY, Ecole de Montigny – 79380 La Forêt sur Sèvre – Tél. 80.57.15
Violaine GUÉRIN, La Métière – 79320 Moncoutant – Tel 65.86.20

Photos et maquette ARCUP

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